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La limitation cognitive : quand le diable est dans le manque de détails

Tout a été réalisé dans les règles de l’art. Vous êtes arrivé à votre point feedback avec l’esprit ouvert, votre manager a été très professionnel. Vous vous quittez avec le sourire, et vous êtes prêt à vous attaquer à votre axe d’amélioration : rendre votre communication écrite plus percutante. Rien de compliqué dans cet objectif… et pourtant, quand il s’agit de vous y mettre, la tâche vous semble plutôt ardue. Un peu comme si vous arriviez au Népal pour escalader l’Everest, et qu’on s’était contenté de vous le pointer du doigt en disant « C’est le plus haut, tu ne peux pas le manquer. » Vous êtes tout à fait motivé pour y aller, et effectivement, l’objectif est visible. Le problème, c’est plutôt qu’il vous manque pas mal d’informations et d’outils… Résultat : l’Everest attendra.

Ce qu’il se passe dans votre tête : la limitation cognitive

Notre cerveau est une machine étonnante, mais comme toute machine, ses capacités sont limitées : nous ne sommes capables de traiter qu’un certain nombre d’informations à la fois. Le Professeur Miller, de Harvard, estime d’ailleurs que ce nombre est 7, plus ou moins 2. Face à trop de choix possibles, en particulier quand ces choix sont complexes et nous semblent demander beaucoup d’effort, notre cerveau ne sait pas quelle décision prendre, et bloque notre passage à l’action. Face à l’Everest, quel équipement prendre, quelle nourriture, quand partir, dans quelle direction ? Rien qu’à regarder la montagne, vous vous sentez déjà fatigué – et encore, vous ne manquez même pas d’oxygène. Bref, vous êtes bien incapable d’échafauder un plan, encore moins de le mettre en action.

Face à votre feedback, la situation est exactement la même. Ce n’est pas que l’objectif « rendre ma communication écrite plus percutante » est difficile en soi : c’est qu’il est ambigu et complexe. Ambigu, parce que vous ne savez finalement pas si votre manager parlait principalement d’e-mails, présentations, dossiers ou comptes-rendus. Complexe, parce que comme souvent avec les soft skills, il est difficile de savoir quand vous aurez atteint un niveau suffisant : c’est comme si l’on vous demandait de monter l’Everest, sauf qu’en plus, vous n’en voyez pas le sommet, et vous ignorez son altitude. En conséquence, l’effort nécessaire pour mettre en application ce feedback grandit à vue d’œil : le meilleur moyen d’éviter cet effort est tout simplement de ne rien faire.

Les nudges à la rescousse : la méthode du chunking

Heureusement, travailler sur votre communication écrite est un objectif (a priori) plus facile que celui d’escalader l’Everest : nul besoin d’une condition physique hors norme pour en venir à bout donc ! Il suffit d’appliquer le bon nudge, c’est-à-dire le petit coup de pouce qui vous aidera à passer à l’action. Ici, c’est le chunking (de chunk, « morceau » en anglais).

La méthode du chunking, dont nous parlent Rory Gallagher et Owain Service (les auteurs de Think Small), consiste tout simplement à découper un objectif en sous-tâches, aussi petites et nombreuses que nécessaire, jusqu’à ce que chaque morceau devienne accessible. S’il vous vient un jour l’envie d’escalader l’Everest, vous ne le ferez pas d’un bloc : l’ascension est découpée en étapes. Et avant même de poser le pied dans la neige, vous aurez une liste extrêmement précise du type d’équipement à acheter et des entraînements à réaliser.

Vous réduisez ainsi simultanément l’ambiguïté et la complexité : vous faites maintenant face à des actions précises et accessibles.

Essayez d’appliquer cette méthode : Découpez votre objectif en sous-tâches

Pourquoi ? Les soft skills sont en réalité un ensemble de comportements à adopter et affiner de manière continue. Lister ces comportements, ou actions, concrétise les étapes de votre progression. Non seulement vous savez quoi faire, mais vous préparez également des exemples concrets à présenter à votre manager comme preuve de votre avancement.

Comment ? Listez vos types de communication écrite : e-mail, présentation, dossier, compte-rendu. Priorisez-en un seul, par exemple les e-mails : ce sera votre axe de travail du mois. Enfin, listez-vous des actions hebdomadaires : cette semaine, soignez le titre de vos emails ; la semaine prochaine, utilisez du formatage pour structurer vos e-mails…

Petit à petit, vous travaillerez concrètement sur des morceaux de votre communication écrite. Vous progresserez, à votre rythme mais de manière continue… bref, vous avancerez, lentement mais sûrement, en direction de votre Everest !